Marie Chevillotte, artisan peintre & doreur à la feuille d'or

Feuille d’Or & Peinture

Passionnée par le décor, le mobilier, l’ornement, la couleur, la matière, le processus de restauration

Depuis bientôt 20 ans, je restaure des objets en bois peint et doré à la feuille après un itinéraire dans l’univers de la décoration d’intérieur.

J’ai découvert la feuille d’or quand j’ai commencé à restaurer du bois peint sur du mobilier ancien, du XVIIIème au XXème siècle.
En prenant connaissance des travaux préparatoires à la pose de la feuille, j’ai vibré aux qualités exceptionnelles des enduits du doreur.
En effet, ces enduits réalisés avec un liant d’origine animale et d’une charge -le blanc de Meudon- sont d’ une grande douceur et générosité.

La feuille d’or est un révélateur. Sa transparence révèle l’exigence et la beauté du support sur lequel elle repose (bois, enduit,..).
Son reflet est souvent au service d’une scène picturale, d’une sculpture, d’une moulure , d’un bois polychrome.

Formée au métier de peintre-doreur dans différents ateliers parisiens,
j’ai pu ainsi acquérir les techniques traditionnelles de la dorure et de la peinture à la colle.

J’ai complété mon apprentissage par de la formation continue dans le domaine du dessin d’ornement (école Boulle) et dans le domaine de la physique-chimie pour mieux comprendre les techniques et les matériaux de conservation.

Feuille d'or sur coussin
© Zakary
bois sculpté Renaissance détail apprêt et or collec. part.
Bois sculpté Renaissance détail apprêt et or, coll. part.

Le métier de peintre-doreur

Les techniques de peinture à la colle et de dorure à la feuille que j’ai acquises au cours de mon apprentissage et durant mes contrats de travail dans différents ateliers sont héritées de l’ancienne corporationdes maîtres peintre-doreur.

La peinture à la colle et la dorure à la feuille ont des matériaux communs mais utilisés à des dilutions et des applications différentes.
La colle de peau est un matériau extraordinaire dans son élasticité, à savoir sa faculté d’épouser les changements dimensionnelles du bois et dans son rendu esthétique dans le décor des intérieurs et du mobilier.

La peinture à la colle est composée du liant, la colle de peau de lapin, diluée à l’eau et mélangée à une charge, le blanc de Meudon par exemple, ainsi que des pigments.

Elle est d’une grande sensualité du fait de son aspect mat et velouté.
Les bois en attente d’une peinture à la colle doivent être exempts de tout corps gras avant d’être recouverts d’un encollage (mélange de colle et de blanc de Meudon) qui permet de nourrir les pores du bois et de servir d’accroche pour les couches de peinture suivantes.

A l’issue de la pose de la peinture, la patine s’articule grâce à différents outils pour recréer des usures du temps et grâce à des dilutions chromatiques pour nuancer la peinture sans la salir.

L’orchestration de ces gestes ont pour but de rendre le décor d’un cabriolet, d’une bergère, d’un cadre, vivant et vivifiant : l’œil doit être amené à s’amuser en découvrant un détail tout en circulant sur l’ensemble.

Suivant l’époque, les pigments utilisés s’orientent sur des rouges baroque, des ocres, des verts, ou des palettes de blanc-gris.

Les étapes traditionnelles de réalisation pour effectuer la pose à la détrempe de la dorure à feuille sur bois sont nombreuses.

Après le dégraissage du bois et l’encollage, les blancs (l’enduit pour couvrir le bois) sont posés en plusieurs couches (environ de 6 à 12 mais cela reste très variable suivant l’objet) pour devenir une zone tampon (de protection) entre le bois et la feuille.

Les couches successives vont épaissir la mouluration et/ou la sculpture. Par conséquence, l’enduit doit être adouci (“égalisé”) et poncé.

Puis vient l’étape de rendre vivant ces apprêts en les affinant et en gravant des motifs (comme les nervures sur une feuille) à l’aide de fers à réparer qui présentent différents profils: la reparure.

Ensuite, une préparation diluée d’ocre jaune et de colle est posée sur les blancs pour atteindre tous les fonds et servir d’accroche à l’étape suivante qui est de coucher une préparation argileuse. Cette argile est de couleur différente suivant les époques : brune, rouge brun, rouge orangée, noire. On la distingue avec l’usure de la feuille.

Le support est alors prêt pour la pose de feuille : à l’aide d’un mouilleux, l’eau est déposée sur l’assiette (la préparation argileuse) et réactive la colle contenue dans celle-ci : par la palette, la doreuse saisit la feuille dans le coussin ; la feuille est happée par l’eau et s’étend sur l’objet.

Après complète évaporation de l’eau, la feuille est polie (le brunissage) à des endroits bien précis qui diffèrent selon l’objet et l’époque.

L’objet ainsi recouvert de feuilles présente des mats et des brillants : un rythme merveilleux s’instaure.

En cours de restauration, préparation argileuse, l'assiette orangée, pose de l'or à la détrempe avant brunissage
En cours de restauration, préparation argileuse, l'assiette orangée, pose de l'or à la détrempe avant brunissage
Chantier St Germain des Prés, redorure lettrage
Chantier St Germain des Prés, redorure lettrage

La dernière étape consiste à protéger la dorure mate par un matage, dilution de colle et d’eau. Selon l’objet et le désir du propriétaire,
la patine est réalisée sur le mobilier fraîchement doré pour “vieillir” l’or, le matièrer, tout en respectant et en mettant en valeur la vibration de la feuille.

La dorure à la mixtion (huile ou acrylique) est une technique de pose utilisée sur des supports plus fragiles face à l’humidité (éléments d’architecture et de décoration en métal, …) ou sur du bois enduit,
en complémentarité de la dorure à la détrempe pour réaliser la dorure mate. Cet adhésif est posé sur une surface préalablement vernie.
Pour devenir active, la mixtion a besoin d’un certain temps.
Elle est alors dite amoureuse, elle chante c’est à dire à prête recevoir la feuille d’or. Une fois la surface recouverte d’or, la feuille peut être vernie ou recouverte de matage pour la protéger.

La restauration d’un objet peint ou doré à la feuille peut contenir tout, en partie ou aucune de ces techniques traditionnelles de peinture ou de dorure. En effet, les techniques de restauration utilisent d’autres matériaux pour conserver des décors polychromes et réaliser des retouches.

Recréer un décor ou préserver un décor original requiert de poser un regard différent sur l’œuvre confiée.

Dans tous les cas, j’aime la complémentarité de la feuille d’or et de la couleur qui s’unissent à merveille.

Marie Chevillotte